Nous assistons à un gros paradoxe dans nos sociétés et qui s’accentue de plus en plus avec les réseaux sociaux et la surinformation dans tous les sens. Il y a à la fois un désir de changement constant, de renouveau, et en même temps, on a peur de celui-ci. Et bien sûr, le relationnel en est affecté. Tout va-vite, on zappe, on rencontre, on passe à autre chose, on change, on veut mieux. On va chercher à l’extérieur de quoi nous remplir, nous guérir de nos manques. Et nous sommes éternellement insatisfaits.
Une citation d’un auteur inconnu que j’ai entendu récemment et qui va tout à fait dans le sens de mon propos raconte : "Lorsque l'on demande à un couple comment ils ont fait pour rester 65 années ensemble, la femme répond : "Nous sommes nés à une époque où lorsque quelque chose se casse, on le répare, on ne le jette pas.""
Et si nous acceptions un renouveau sans tout changer radicalement ?
Le changement, l’impermanence est une constante de nos vies : tout change, tout bouge tout le temps. Nous changeons, nous grandissons au fil de nos rencontres, de nos lectures, de nos expériences et rien n’est figé, rien n’est acquis. Les saisons passent, les rythmes de la nature nous montrent bien que tout est changeant en permanence. La pensée commune voudrait ne pas avoir à remettre en question, ne pas entretenir ce qui a été acquis et pourtant, c’est une des clés pour évoluer. « En amour comme en mer, le calme plat rassure, mais on n'avance pas » rappelle la journaliste et écrivaine France Guillain.
Pour durer, l’amour se doit de se transformer. Le zapping de nos sociétés, avec les sites de rencontres notamment, marque une réelle rapidité qui nous dépasse et influence nos rencontres, nos relations. Nos cerveaux ont une capacité de zapper les informations à une vitesse incroyable et à force de tout emmagasiner, l’essentiel nous passe sous le nez.
Et puis, souvent, quand la rencontre se fait, on a peur de remettre en question ce qui a fonctionné dans les mois qui ont suivi la rencontre. Plus l’amour s’installe et moins nous œuvrons pour que l’amour garde sa dimension et la place que nous lui avions attribué dans ses débuts. Il n’est pas rare d’entendre certains se questionner quant à leur relation. « Ailleurs, c’était mieux » ou « ailleurs ça sera mieux » pensent-ils. Chercher à remplacer plutôt qu’à transformer apparaît plus facilement comme une solution quand nous avons intégré inconsciemment certaines dynamiques de notre société.
De plus, nous avons parfois aussi peur de perdre ce que nous avons à cause de notre volonté de changement. Nous avons créé une certaine « zone de confort » et nous avons peur de tout gâcher. Je mets « zone de confort » entre guillemets, car c’est un terme qui a un double sens. Par zone de confort, nous entendons celle que nous connaissons et qui n’est pas forcément la plus confortable si on y regarde de plus près.
Pour comprendre les raisons de certains symptômes dits psychosomatiques, les thérapeutes ont tendance à demander à leurs patients quels sont les bénéfices s’ils restent dans cette situation qu’ils connaissent (et qui souvent est problématique.) face au changement qu’ils souhaitent tant. Souvent, c’est là que l’on se rend compte que ça bloque, car cela demanderait d’aller dans une zone que l’on ne connaît pas et c’est plus effrayant encore que ce changement que l’on souhaite. De nombreuses personnes restent dans des situations qui ne leur vont plus, qui ne les épanouissent plus, voir qui leur font du mal par peur de cet inconnu. Que se passerait-il si je disais à mon partenaire que mes désirs ne sont plus les mêmes ? Que se passerait-il si j’osais lui partager mes fantasmes les plus fous ? Pour beaucoup, ces questions peuvent être très difficiles à aborder en couple. C’est l’impression que l’on va bousculer un ordre qui vient tout de suite à l’esprit. Et si ça venait tout gâcher ? Pense-t-on ? En restant dans les habitudes du couple, par peur, nous risquons d’accumuler ces non-dits, nous risquons de nous éloigner de nous-même et de l’autre. Si dès le début, vous êtes attentifs à ce qui peut être ajusté, vous verrez que la tâche sera de plus en plus facile et qu’elle améliorera la communication dans le couple. Si vous êtes déjà engagé dans une relation, il n’est jamais trop tard, allez-y en douceur. Une personne qui vous aime et qui a envie d’avancer avec vous sera prête à vous écouter. Et puis c’est aussi de cette manière que vous pouvez savoir si cette relation vous mérite.
Nous avons peur de nous installer et pourtant nous nous installons trop. Un couple qui a pour ambition de construire une relation qui se veut pérenne va d’emblée être soumis à de grands bouleversements. Car ce sont les bouleversements des deux membres qui sont impliqués en plus de cette troisième entité qu’est le couple et qui par la suite pourra s’agrandir encore si le couple a un désir d’enfants. Un couple qui dure devra passer l’étape de la fin de la passion, des habitudes qu’il a prises, peut-être une ou plusieurs grossesses, une sexualité qui s’en trouvera forcément modifiée... Alors, non, aucun couple qui dure ne pourra passer à côté de ces difficultés, de ces tourments, mais c’est à lui aussi de décider ce qu’il veut en faire et c’est là que l’acceptation du changement est une clé si importante. Les difficultés, c’est aussi ce qui va souder, consolider les liens. Ces expériences intenses que l’on vit avec l’autre, ces moments où on laisse la peur un peu de côté pour faire confiance à la vie, à l’autre, à soi sont d’une grande richesse. Prendre la peur comme un moteur et non comme un obstacle dans le couple peut s’annoncer merveilleux quand les deux parties s’investissent pour grandir ensemble, pour apprendre de leurs expériences.
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