L’Ayurveda définit sept familles de tissus organiques – sapta dhatu - qui soutiennent le fonctionnement de notre corps physique : rasa, (l’essence de la nourriture après digestion, le plasma, la lymphe), rakta (le sang), mamsa (les muscles), meda (la graisse), asthi (les os et cartilages), majja (la moelle osseuse), shukra et arthava (le tissu reproducteur masculin et féminin).
Tout ce que nous mangeons et buvons est utilisé pour nourrir les sapta dhatu, et en premier lieu rasa dhatu, qui joue un rôle essentiel dans le système immunitaire. Chaque dhatu produit la matière qui nourrit le suivant. Si nous ne consommons pas une alimentation qui convient pour nous, rasa sera de moindre qualité et notre immunité affaiblie. Rasa fournit les nutriments nécessaires à rakta, et si le plasma est appauvri, la production de globules rouges en sera diminuée. Cela affectera le tissu musculaire, et en cascade la viabilité des spermatozoïdes et des ovules.
La qualité de shukra et arthava dhatu, comme tout ce qu’une femme va ingérer à partir de la fécondation, vont influer sur la santé de l’enfant à naître. Et après la naissance, le lait maternel va procurer au bébé des défenses immunitaires sans égales, par rapport à une formule infantile achetée en magasin. Selon l’Ayurveda, ce lait, produit dans le corps avec l’amour maternel et avec ce cœur de vouloir apporter le meilleur pour la santé de son enfant, sa croissance, son développement et son épanouissement, est l’essence de la vie, le prana, l’énergie cosmique.
À noter que la consommation en excès d’aliments et de boissons acides pendant la grossesse et l’allaitement est défavorable.
Durant toute la période de la construction, les laits de vache, de chèvre, de brebis, de jument et de bufflonne vont également apporter des bienfaits nutritionnels pour fortifier le système immunitaire.
Lorsqu’un enfant ne peut être allaité, c’est le lait de chèvre qui est préconisé dans la médecine ayurvédique traditionnelle. Hautement digestible, riche en calcium, phosphore, magnésium, potassium, sodium et vitamine B3, il est celui qui s’apparente le plus à du lait maternel.
La chèvre est un animal de montagne, apte à vivre dans des milieux secs et rocailleux, avec des besoins en eau réduits. Elle ne dispose que d‘une fine couche de graisse sous la peau, à contrario de la vache et de la brebis qui évoluent généralement dans des habitats plus froids et humides, et dont la consommation d’eau est aussi plus importante. Le lait de chèvre est à privilégier pour pacifier kapha (Eau) et limiter la production de mucus.
De manière générale, sur tous les continents, le dosha kapha domine le matin et le soir, et aussi durant la première partie de la vie. À l’âge adulte, c’est le dosha pitta (le Feu) qui domine, et à partir de 70 ans le dosha vata (l’Air). Cette prédominance de kapha jusqu’à l’âge de 19-20 ans peut entraîner l’apparition de troubles ORL, ce d’autant plus lorsque la constitution de naissance, les conditions climatiques ou d’autres facteurs encore, favorisent un déséquilibre de ce dosha.
La consommation de certains aliments ou liquides peut stimuler la production de mucus dans les voies respiratoires et entraîner un encombrement, constituant un terrain favorable à la croissance des virus et mauvaises bactéries.
Si la respiration par les narines est entravée, l’absorption du prana est altérée et le cerveau mal alimenté. Les personnes dont le nez est constamment bouché peuvent expérimenter ce brouillard cérébral, avec des difficultés pour se concentrer, s’organiser et prendre des décisions. La créativité, la motivation, la détermination, le dynamisme… Toutes ces qualités importantes pour notre développement seront amoindries, empêchant beaucoup d’autres choses. Une bonne respiration nasale est donc essentielle. Dans la physiologie ayurvédique, les poumons, qui absorbent le prana ‘instantanément’, sont étroitement connectés aux intestins, qui absorbent le prana de façon ‘retardée’, via les nutriments contenus dans une nourriture bien assimilée. Cela explique pourquoi quelques minutes de lentes et profondes respirations peuvent réduire la faim.
La consommation de laits d’origines animales peut parfois provoquer des éruptions, notamment à l’intérieur des coudes et derrière les genoux. De petites pustules transparentes, qui grattent et qui brûlent, sont le signe de toxines dans le plasma. Elles indiquent qu’il n’y a pas suffisamment de défenses immunitaires pour permettre au plasma de résister contre ces toxines. Il peut aussi s’agir d’un excès d’acidité dans le sang.
Le manque d’immunité peut donc se manifester sous la forme de faiblesses au niveau respiratoire et cutané. La pharmacopée ayurvédique dispose de nombreuses plantes reconnues pour leur action sur le système immunitaire, dont l’amla. La consommation de ce fruit était traditionnellement recommandée aux enfants ne pouvant être allaités.
Les premiers aliments que les enfants peuvent manger sans cuisson sont les fruits. Les matières premières non transformées sont évidemment à privilégier. La cuisine ayurvédique promeut l’utilisation de produits du pays, des produits frais et de saison. L’harmonie des couleurs et des goûts, et l’état d’esprit lors de la préparation des plats importent tout autant.
Toutefois, même si elles consomment des produits sains, issus de l’agriculture biologique, les personnes avec un pouvoir de digestion réduit (mandagni) ou irrégulier (vishmagni) ne pourront pas digérer correctement, et en conséquence, développer une immunité robuste et durable. Notre immunité et notre force physique sont entretenues et préservées grâce à Agni, le pouvoir de transformer et d’assimiler notre alimentation.
Un manque d’appétit, aller à la selle 3 ou 4 fois par jour, des selles molles, des douleurs dans le bas du ventre (colites), sont des signes d’un dérèglement du processus de transformation dans l’intestin grêle. Une assimilation faible entraîne une faiblesse des dhatus et une immunité défaillante.
Consommée depuis ma plus tendre enfance, la soupe digestive rasam dont je vous partage ici la recette, va renforcer votre agni. C’est un remède ayurvédique domestique ancestral, pour obtenir Sama Agni (Sama signifiant égal et Agni pouvant se traduire par Soleil), valable pour un enfant à partir de 2 ans et jusqu’à 120 ans. Cette préparation favorise une bonne transformation, et aide à l’assimilation de l’alimentation dans l’intestin grêle.
Plus précisément, elle augmente Pachaka Pitta, l’énergie responsable de la transformation alimentaire et de l’assimilation des nutriments. Elle pacifie Kledaka Kapha,les enzymes digestives biliaires et pancréatiques qui contrôlent la transformation. Une absorption optimale des nutriments génère une immunité forte.
Les ingrédients :
- 1 cuillère à soupe bombée de pulpe de tamarin sans noyaux
- 1 cuillère à soupe bombée de graines de cumin
- 1 cuillère à soupe bombée de graines de fenouil
- 1 cuillère à soupe bombée de graines de coriandre concassées
- 1 cuillère à café de graines de fenugrec
- 10 grains de poivre noir concassés
- 2 grosses gousses d’ail
- 1 grosse échalote
- 4 tasses à thé (mug) d’eau
- Selon vos goûts, vous pouvez aussi ajouter un piment rouge sec.
Faites bouillir cette préparation pendant 5 à 10 minutes avant de la mixer. Consommez-la deux ou trois fois par semaine, avant, pendant ou après le repas : soit comme une soupe, soit mélangée à du riz, des graines de couscous, des pâtes, des légumineuses ou avec du pain. Selon votre âge, une tasse à thé ou à café suffit.
Une consommation excessive de tamarin (fruit acidulé et laxatif) peut provoquer des aphtes sur la langue. En cas d’apparition d’aphtes sur la langue ou la paroi intérieure de la bouche, de boutons de fièvre sur la lèvre supérieure, d’hémorroïdes avec fissures anales, d’eczéma avec des rougeurs et des brûlures…, il n’est pas conseillé de consommer cette soupe en grande quantité. Ces manifestations surviennent lorsqu’il y a un excès de feu digestif.
Chatu Madura est un autre remède simple à réaliser. Il est mentionné dans les écritures bouddhiques comme les quatre délices, et était consommé par les moines pour renforcer leur corps pendant les longues périodes de méditation et de jeûne. C’est un mélange à parts égales de ghee, vilanda (riz soufflé), sucre de coco (sucre de canne ou sucre de palme) et miel. Consommez-en de petites quantités, une cuillère à café, plusieurs fois par jour.
C’est Ahamkara, notre égo, qui est aux commandes des innombrables cellules de notre système immunitaire. Adopter un état d’esprit résolu dans la vie et face à la maladie, entretenir la combativité, la volonté d’avancer, cultiver la joie de vivre, la gratitude et le respect… avec cette conscience que notre manière d’être joue un grand rôle dans le renforcement de notre immunité.
Vaidya Chethu Weerasinghe,
Praticien en Ayurveda
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